mardi 31 juillet 2012

Brève XVII

Comment n’ai-je pu voir la détresse profonde
T’affligeant ce soir là ; la douleur pénétrant
Un cœur si tendre et pur, laisse alors en sortant,
Comme un champ dévasté, un être seul au monde.

Moi, courage incarné, fuyant sans que je sonde
Un seul instant en toi, ne voyant, ne sachant
L’intention véritable du parfait malfaisant,
Je t’abandonnais là ; malheureuses secondes !

Impardonnable fuite – N’offrant aucun support,
Rien, je suis maintenant pétri par les remords.
Mais tu m’as pardonné, par la grâce de ton âme,

Comme une amie fidèle ; tu seras à jamais
Celle à qui j’offrirai réconfort et dictames,
Pour toi rien n’est plus beau que de toujours t’aimer.

dimanche 29 juillet 2012

Brève XVI

Attente. Ce mot qui me semblait presque réjouissant il y a peu, vient de se transformer en une atroce torture. Au bout de combien de temps peut-on considérer que cette attente est devenue du silence ? Et en combien de temps se transforme-t-il en ignorance ? Je ne vois pas ce qu’il y a après, mais je suis sûr que j’y arriverai. Il me faudra inventer un mot : cela sera ton prénom. Allons passons, il existe une solution : ne plus lui parler, ne plus rien lui dire ; je ne peux pas. Pourtant, cela résoudrait le problème.

jeudi 26 juillet 2012

Brève XV

Attente. Ce mot qui me semblait si désespérant au début, vient de se transformer en un sublime moment de joie. L’angoisse précédant sa réponse, annihilant le retour pourtant éclatant de Râ, accentuée par la platitude de ma journée, fut broyée par ces quelques mots qui me plongèrent dans une extase rougeoyante. Ce délai, qui me sembla si long, fut en fait le terreau fertile d’un instant de bref bonheur, futile s’il en est par l’importance infinitésimale de notre échange, cependant je le prends. Ne vous en faites pas : je vais bien, mais je me soigne.

lundi 23 juillet 2012

Brève XIV

Elle me demanda si ce fut trop tard. Le simple fait de poser la question prouva qu’il était déjà trop tard : il est toujours trop tard. Elle n’en avait pas eu conscience sur le coup. Pourtant, je la revois encore en train de piétiner allégrement mon cœur encore chaud, tout juste arraché à ma poitrine par ses ongles acérés et manucurés, expulsant dans un dernier spasme ses ultimes millilitres de sang ; ce petit cœur fragile que je lui avais offert. Au moins, j’avais maintenant la réponse à une question qui me taraudait depuis longtemps : oui, j’avais eu un cœur.

vendredi 20 juillet 2012

Brève XIII

Pour lutter contre la dépression je tentai bien des choses, des originales et des plus classiques : j’ai essayé la boisson, mais ça m’a rendu alcoolique ; j’ai essayé la nourriture, mais ça m’a rendu boulimique ; j’ai essayé les confiseries, mais ça m’a rendu diabétique ; j’ai essayé les filles, mais ça m’a rendu hépatique ; j’ai essayé LA fille, mais c’était onirique ; j’ai essayé les médicaments, mais ça m’a rendu neurasthénique ; j’ai essayé le sport, mais ça m’a rendu pathétique ; j’ai essayé la religion, mais ça m’a rendu hérétique ; j’ai essayé l’écriture, mais ça m’a rendu poétique ; j’ai essayé la poésie, mais c’était prosaïque ; j’ai essayé la mort, mais ça m’a rendu cadavérique.

mardi 17 juillet 2012

Brève XII

Enfin assez près d’elle pour distinguer ses traits, je pus définir plus précisément son visage, rien de bien marquant : des lèvres tristement fines, déformées par le culot de sa cigarette ; des dents légèrement marquées par ce défaut précocement pris ; un nez qui sans être trop long n’était définitivement pas assez court ; des cheveux presque pailleux, paradoxale comparaison pour une brune aussi prononcée ; une peau artificiellement lisse, ce qui eût l’avantage de laisser ces traces précédemment évoquées me diriez-vous –mais le souhaitais-je vraiment ? Il n’y avait qu’une seule chose qui trancha avec sa banalité : ses yeux céruléens à faire pâlir un ciel d’été.

dimanche 15 juillet 2012

Brève XI

Il ajusta son nœud, il y en a trop qui ne font pas attention à sa confection. Il était content de lui, un joli nœud, parfaitement adapté à son long cou. C’est avec ces petits détails que l’on réussit sa sortie. Il avait, depuis longtemps, coché ce samedi soir : une date anniversaire dans leur histoire, célébration finale de leur bonheur passé. A l’heure qu’il était, elle devait s’amuser en toute insouciance, sans rien savoir de sa décision, n’y pouvant plus rien de toute façon. Il tressaillit une dernière fois à sa pensée ; réflexe désespéré d’un corps refusant l’inutilité.

vendredi 13 juillet 2012

Brève X

Naïvement, j’aurais dit que tout allait bien depuis quelques temps : un regain de sympathie semblait t’avoir saisie, des effleurements étaient apparus, brisant ainsi la barrière protectrice qui m’avait semblé, un temps, infranchissable. Encore une fois, je me trompais lourdement : tu te réfugias dans ta forteresse inexpugnable, même aux plus grands maîtres ès poliorcétique, repoussant tous mes assauts, envoyant vague après vague mes espoirs au fond des douves. Je n’avais pas les armes pour t’assiéger, te faire céder, rompre le combat et accepter ta défaite. Chevalier servant sans plus rien à servir ; par conséquent je peux mourir.

mardi 10 juillet 2012

Brève IX

Il fut surpris de rêver d’elle, il n’en comprenait pas la raison. Un simple croisement furtif lors de la précédente journée aurait-il suffit à déclencher l’onirique vision ? Elle lui plaisait, un peu, il le reconnaissait, mais de là à perturber son sommeil, à accaparer son esprit éveillé comme endormi, à bouter les images traditionnelles de ses rêves constamment peuplés de créatures somptueuses et miraculeusement accessibles, il y avait un fossé qu’il ne pensait pas avoir comblé. Il sursauta à chaque pas, de peur de la croiser, il espéra même ne pas l’apercevoir aujourd’hui : il avait désespérément besoin de dormir.

dimanche 8 juillet 2012

Brève VIII

Train supprimé ; train retardé ; une litanie qui commençait à devenir habituelle, une antienne encore d’actualité ce matin. Pourquoi choisit-il le bruit et le fracas ? Il y a pourtant la Seine à deux pas. Le point Mirabeau n’offre-t-il pas un plus beau piédestal pour un saut final ? Glisser lentement et indéniablement sous le regard désabusé des allégories, dans un dernier spasme mélancolique voire romantique. Ou plus silencieux encore, dans la douceur ouatée et halitueuse d’un appartement parisien, abuser de substances loisibles et espérer que cette douleur stomacale ne soit pas simplement le commencement d’un rejet salvateur. Pourquoi ne pas faire aussi simple et choisir de perturber le quotidien immuable et routinier d’innocents ? Prends ton temps, je suis, moi aussi, simplement en train de mourir.

jeudi 5 juillet 2012

Brève VII

Elle avait le sein lourd de ces femmes adipeuses et braillardes, gavées de sous-nourriture abjecte venant d’infâmes restaurants pullulant de miasmes, léthargiquement avachies devant des colifichets écrantés ne débitant que des billevesées, et qui ne connaîtront jamais la caducité, de faute d’artères bouchonnées de mort ; de telles aberrations sur un corps aussi fin m’occultèrent pendant un instant sa face ingrate et m’insinuèrent le doute sur l’engagement ou non d’une conversation plus ou moins spécieuse.

lundi 2 juillet 2012

Brève VI - Lipogramme

Son affliction l’alitait voilà six mois au moins lorsqu’il comprit qu’il avait à choisir au final parmi trois options : partir, souffrir ou mourir. Il subit alors un obscur hasard, qui lui prit cinq jours pour saisir sa signification. Sans nous la trahir un instant, il parcourra Paris la nuit, nonobstant un chagrin malsain, sans jamais jouir d’un vrai plaisir, à la façon d’un margoulin omis par Nyx. Il savait qu’il fût fait honoris causa s’il s’obstinait mais niant sa fonction, il discourut sur l’obligation qu’il avait à partir. On l’oublia un jour ; sans jamais voir sa disparition.