mercredi 28 novembre 2012

Brève LVIII



Emma tu es très jolie mais je ne peux en aucun cas te laisser introduire ça dans ma bouche. J’ai une politique très stricte à ce sujet, la pénétration buccale, et tu as beau presser ta poitrine contre ma tête, il est hors de question que tu mettes cette fraise dans ma bouche. En plus, j’ai horreur de cette odeur de latex, donc s’il te plait retire ça. Quoi ? Déchaussement ? Si tu veux, ça m’est égal, tu ne portes même pas de talons de toute façon. Et arrête avec cette lumière dans les yeux c’est horripilant !
Oui c’est vrai, ce n’était pas si douloureux et on s’y habitue. Enfin une fois par an, ça me parait trop quand même mais bon… c’est vous le docteur ! A l’année prochaine alors.

lundi 26 novembre 2012

Brève LVII

L’euphorie n’a duré qu’une journée hélas. Tu semblais si guillerette à l’idée de se voir ; tu te précipitas vers moi comme jamais auparavant. Oubliée ta misandrie, oubliées mes erreurs, un renouveau était possible. Le mot juste te toucha, la formule te plut. Pour une fois que je fus sincère, l’investissement parut rendre au centuple. Tu invoquas, encore une fois, je ne sais plus quelle excuse, futile comme toujours, énième ajout à ma liste malheureusement incomplète. C’est ainsi que la rame de notre relation repartit pour un tour dans le manège chaotique de nos sentiments contrastés. Je t’en prie : délivre-moi de l’espoir.

mercredi 21 novembre 2012

Brève LVI

Nous sommes ceux que vous ignorez tristement, nous sommes votre ombre que vous ne voulez pas voir, nous sommes la lumière dans vos nuits de tristesse, nous sommes les béquilles temporaires de vos blessures, nous sommes les sacrifiés de la propagande, nous sommes les bafoués de votre indifférence, nous sommes les rejetés de votre suffisance, nous sommes le soutien indéfectible de votre orgueil, nous sommes la fortune immorale des fossoyeurs, nous sommes la gloire immortelle des poètes, nous sommes les victimes expiatoires de vos doutes, nous sommes la gerbe de vos espérances perdues, nous sommes des millions et nous sommes votre perte.

dimanche 18 novembre 2012

Brève LV


Monte-les, descend-les, promène-les où tu veux. Qu’elles glissent, qu’elles griffent, qu’elles ébouriffent, peu m’importe. Surprend-moi, caresse-moi, transporte-moi où tu veux. Qu’elles frappent, qu’elles tapent, qu’elles marquent, peu m’importe. Tout est à toi, fais-en ce que tu veux : creuse, croque, pique, pioche, retourne, rougit, maltraite, malmène, tout est à toi. Des oreilles aux orteils, des capillaires aux cheveux, des poumons à la peau, prend tout. Du dedans, du dehors, prend tout. Du physique, du psychique, prend tout. Tu as cherché mon âme, tu as trouvé mon corps, mais ne cherche pas par là : tu n’y trouveras rien.

mercredi 14 novembre 2012

Brève LIV

Tout avait commencé comme une soirée délicieuse : du repas aux caresses furtives sous la table, de l’ambiance musicale à ses talons claquant sur le sol lors de notre entrée remarquée, tout avait été parfait. Il n’y eut aucun blanc, comme dans le restaurant d’ailleurs, chacun était passionné par les propos de l’autre, parfois par intérêt, souvent par honnêteté. L’incongruité de notre couple potentiel était masquée par les éclats de rire qui ponctuaient régulièrement nos échanges. J’étais conquis, elle aussi. C’est à la sortie du restaurant, lorsqu’on se salua, que le drame se joua. Elle me dit qu’elle allait rentrer sur Bagnolet (sic). Je ne sais pas ce qui causa le plus la désillusion : était-ce le « Bagnolet » ? ou le « sur » ?

dimanche 11 novembre 2012

Brève LIII *


Voilà comment est ma vie depuis mon retour à Paris : cloitré, enfermé le jour, osant à peine sortir la nuit, guettant à ma fenêtre le moindre mouvement suspect. Bref, elles sont toutes folles de moi, alors pourquoi pas toi ? Je sais ce que tu te dis : « pourquoi moi ?». Et pourquoi pas ? Tu n’es pas le énième numéro sur ma liste, tu n’es pas le quota quotidien d’essai raté, tu es plus que ça. Et si tu crois que j’en fais trop, dis-moi « non », ramène-moi sur terre, ne me laisse pas par ton absence de réponse dans cette folie et, pour le bien de l’humanité, sauve mon âme.