lundi 31 décembre 2012

Brève LXVI *

En remontant le continent, je tombai sur l’Amérique centrale. Peut-on en citer un seul pays ? Quel en est l’intérêt ? Aucun ? Cadeau. Cela nous fera de belles plages désertes pour les vacances. Pour les États-Unis, j’étais un peu embêté. Ils sont trop nombreux c’est un fait, mais il y en a quelques uns à sauver : les scénaristes, les acteurs, les réalisateurs, une partie des musiciens. J’étais prêt à sacrifier quelques minutes de vie pour garder mes séries. Vivement la saison vingt quatre mille trois cent soixante-quatorze de Dexter quand c’est son arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière petit fils qui sera le tueur en série. Au Canada, je ne laissai que le Québec entier, nos amis francophones auront ainsi tout loisir de recoloniser ce qui fut la Nouvelle-France et je supprimai l’interdiction de la sodomie des caribous afin de permettre le repeuplement.

jeudi 27 décembre 2012

Brève LXV *

Par continuité géographique, j’arrivai à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Honnêtement, quel est l’intérêt de garder ces surfeurs à mèche blonde ? En faire don nous permettra en plus de devenir champions du monde de rugby. Par logique sportive, je cédai également le Brésil, pour le foot. Comme en plus je ne suis pas fan des prostituées transsexuelles… Sans compter le fait qu’ils parlaient portugais, franchement, portugais ! Leurs voisins ont au moins fait l’effort de parler espagnol. Pour la peine, je sauvai une partie de la population argentine, chilienne, vénézuélienne et colombienne : les femmes de moins de vingt-cinq ans. En éliminant tout le reste, je débarrassais en plus le monde des communistes populistes. Il faudra cependant faire attention à épargner les derniers nazis à s’y être réfugiés.

vendredi 21 décembre 2012

Brève LXIV *

Pour rester dans le même coin, je voulus le rassasier avec tout le Proche et le Moyen-Orient. Je résolvais en plus deux problèmes : l’indépendance énergétique et le terrorisme. Grâce à moi, le monde, ou ce qu’il en restera, sera en paix et pourra brûler son pétrole en toute liberté. Par générosité d’âme, je lui fis don en plus de l’Asie centrale et de ses « -stan » qui ne servent à rien. Parfois je suis trop bon. Je posai une condition pour l’Asie du Sud-Est : y laisser les jeunes filles et les jeunes garçons de moins de douze ans afin de pouvoir déporter là-bas les pédophiles de nos prisons et rendre ainsi plus sûr nos rues pour nos chères têtes blondes.

mardi 18 décembre 2012

Brève LXIII *

Il m’avait demandé quel pourcentage d’humanité j’étais prêt à sacrifier contre l’immortalité. J’avais commencé par proposer les anglais, mais leur faible valeur ne me fit gagner que quelques secondes de vie. J’avais donc décidé de trancher dans le vif. J’offris un milliard de Chinois et un milliard d’Indiens, ils étaient de toute façon trop nombreux et risquaient un jour de nous dépasser en tout. Je réveillai ainsi son intérêt. Le sentant prêt à me faire toutes les concessions je continuai. Je lui donnai l’Afrique, continent de peu d’intérêt qui n’était jamais vraiment entré dans l’Histoire paraît-il. Mais elle était trop peu nourricière, ils n’avaient tous que la peau sur les os ;  je devais le fournir encore.

jeudi 13 décembre 2012

Brève LXII

Quelque que soit l’odeur je pense à toi, j’ai l’impression de te sentir même quand le parfum n’a rien à voir avec le tien. Je crois que les douze heures où je fus collé à toi ont saturé mon nez avec la moindre molécule émanant de toi, et qu’elles masquent désormais toutes les autres, pour mon plus grand plaisir. A respirer si longtemps dans ton cou, j’ai dû t’aspirer un peu, particule par particule, tu fais à présent partie intégrante de moi. La symbiose est en marche, la dépendance est en train d’arriver. Vite! reviens près de moi, avant que je ne puisse plus respirer.

dimanche 9 décembre 2012

Brève LXI



Cela faisait quelques temps qu’il lui tournait autour. Il l’avait déjà suivie plusieurs fois. Mais, par crainte de la perdre sans doute, il n’avait jamais osé faire ce pas et plonger dans l’inconnu de leurs promesses éternelles. Il revint à nouveau, encore plus décidé qu’auparavant, persuadé que cette fois il fléchirait, qu’il succomberait à ses appels. Rien n’avait vraiment changé mais son attrait s’amplifiait à chaque seconde, offrant en plus les appas indépassables de l’immortalité. Il savait qu’il voulait la suivre. Puisqu’ici c’est l’enfer, il avait décidé de prendre un aller pour le paradis. C’est pourquoi il acheta un ticket de train pour Neuilly-sur-Marne.

mercredi 5 décembre 2012

Brève LX *

Parfois l’angoisse me prend, parfois l’idée que ma vie puisse ressembler à la vôtre atteint le seuil critique où la douleur apparaît. Cette douleur si prenante que je connais trop bien, celle qui est finalement ma seule compagne depuis tant d’années. L’injustice est criante : à vous tout cela, à moi tout le reste ; partage inégal. Je veux croire quelques fois qu’il est fait exprès, comme une compensation. Mais je sais que c’est faux, que rien n’existe au dessus dirigeant cette iniquité, je sais que je ne la dois qu’à moi. Je vous regarde alors pour que vous me rappeliez tous à quel point la vie est injuste et à quel point j’adore ça.

dimanche 2 décembre 2012

Brève LIX *

Chaque matin dans le train, le rituel est immuable : parcourir de mon regard l’engeance assise trop près de moi. Elle me rappelle tout ce que je ne suis pas : il y a les femmes, parfois jolies, il y a les vieux, parfois pourris, il y a les jeunes, parfois transis. Tous ces êtres que je ne suis pas, toutes ces possibilités de vie que je n’ai pas. J’imagine parfois d’où vous venez : d’une ville fleurie ou d’un appartement gigantesque avec une vue imprenable ; ou celles et ceux que vous avez quittés : votre conjoint, vos enfants ; toutes ces choses que je n’ai pas et que je n’aurai sans doute jamais.