dimanche 28 octobre 2012

Brève L

Je pensai à quelque chose de dense, de lourd, de chargé dans la veine de la première ; à quelque chose d’incroyable, de renversant, de fascinant, produisant l’effet de la première ; à quelque chose d’inattendu, de bouleversant, d’émouvant, à l’image de la première ; tout cela finissant ainsi un premier cycle.
Je pensai à toi, potentiel sacrifice à l’inspiration : sacrifice de mes principes, sacrifice de ma liberté, sacrifice de cette source intarissable de malheurs, pour changer la litanie de ma prose défaillante ; à toi aussi, muse incroyable mais qui s’ignore, parcourant inlassablement mes rêves et mes pensées, réveillé, endormi, somnolant, il y a toujours toi ; à toi encore, lointaine vision sublime, quelques fois encore plus, me laissant croire par moment que l’impossible existe pour me laisser ainsi te frôler un instant.
Je pensai à vous toutes, je ne savais pas vers laquelle me tourner, je ne savais pas laquelle choisir, je ne savais pas vraiment laquelle je voulais, ni ce que je voulais ; ce n’est pas que je suis compliqué, c’est que je ne suis pas habitué.
Je pensai alors à en prendre une au hasard, une inconnue quelconque, et sous le trait malsain de ma plume tordue, la maltraiter à l’excès, me libérant ainsi de toute contrainte, laissant dégueuler sur cette page blanche, les tourments les plus sombres de mon âme qui s’éveillerait enfin.
Je me mis alors en quête de cette victime propitiatoire aux vertus apotropaïques.

mercredi 24 octobre 2012

Brève XLIX

Cherchant de façon frénétique une activité passionnante pour ce week-end, et après avoir écarté le festival andin de fabrication de tuniques traditionnelles en poil de lama albinos par des manchots trisomiques, ainsi que le défilé annuel des corporations berrichonnes de la terre et des forêts, je lui proposai par défaut la fête de la viande, avec exposition des plus belles bêtes et stands de dégustation. N’en mangeant pas, elle ne fut pas vraiment intéressée pour m’y accompagner. Ne voulant pas la vexer en y allant tout seul, je laissai tomber l’affaire en lui disant que ce n’était pas grave et que j’irai l’an prochain. Elle se vexa quand même.

dimanche 21 octobre 2012

Brève XLVIII

Encore une fois, elle m’avait sournoisement abandonné. Je tournai la tête, après un simple petit instant d’inattention et elle avait disparu. Courant dans tous les sens pour la retrouver, je fus à bout de souffle lorsque je les vis au loin. Ne pouvant pas faire une foulée de plus, je dus ramper lamentablement pour me traîner vers eux ; il eut tout le temps de fuir. Promets-moi que tu ne le verras plus ou je ne réponds plus de votre intégrité physique, lui dis-je. Elle me rit au nez car elle savait que je ne frappe jamais les femmes, par élégance et jamais les hommes non plus, mais par lâcheté.

mercredi 17 octobre 2012

Brève XLVII

Un premier regard lointain qui semblait hésiter à accrocher le mien, voilà comment je l’aperçus. Enfin je crois, car dès le début je ne fus pas sûr de son intérêt. Me regardait-elle vraiment ? N’était-ce pas un de ces regards de surveillance ? Celui jeté à un potentiel pervers, bavant plus ou moins intérieurement sur son physique délicat. Elle était résolument tournée vers moi, chose surprenante car le spectacle était dans une direction presque opposée. En me rapprochant, j’eus ma réponse : ce n’était qu’un fort strabisme.

dimanche 14 octobre 2012

Brève XLVI

Le cheval vola à l’auberge un couteau tranchant qui lui servait de col, ses cheveux verdoyants flottaient dans l’éther mauve du ciel noir et ils semblaient perdus par la clairvoyance des propos du pêcheur attablé à sa canne, comme un hibou perché sur un bocal, définitif animal aux mille charmes troubles, dont le pelage soyeux reflétait la joie immense que son compagnon de fortune transpirait par les pores de sa carapace, en brillant acrylate, obtenue dans le fameux combat contre le Barjoukzi, ce personnage fantasque dont l’histoire n’a pas retenu le nom, à cause sans doute de son  incompréhensibilité.

jeudi 11 octobre 2012

Brève XLV

Annabelle bouleversa charnellement Denis, encore frustre garçonnet humilié. Il jouit kilofois, lascif mais nullement outré parce que ravi sublimement, telle une vieille walkyrie xénophobe yéménite zélée.
Zoé Yconga, xylographe wacapou, vit un très spectaculaire rondin, qui pourrissait oublié, nonchalant, magnifiquement libre. Kasia, joviale, invita humblement garçons, filles ensemble dans chaque brasserie amicale.

lundi 8 octobre 2012

Brève XLIV

Je l’ai séduite par mon écriture, inspirée par ma solitude et ma tristesse, chant mélancolique tentant vainement d’imiter de vrais auteurs, ramassis parfois sans logique de mots compliqués destiné à les impressionner, alors que je ne les connaissais pas quelques minutes auparavant, formulations absconses et tortueuses se finissant par un improbable imparfait du subjonctif ; toutes ces fioritures futiles, étalées à sa vue comme des bouquets de fleurs sauvages, image perpétuelle du poète romantique maudit, semblent avoir eu quelques effets car elle me céda et rompit mon état propice à mon inspiration. Maintenant que je ne l’ai plus, grâce à elle, et que je n’écris plus, l’intéresserai-je encore ?

vendredi 5 octobre 2012

Brève XLIII

Tout commença par elle. Mais très vite je passai à elle, qui n’avait au final pas plus d’intérêt qu’elle. Débarrassé d’elle, j’en profitai pour goûter elle. L’aigreur d’elle m’obligea à recracher elle et à remplacer elle par elle. Sautant ensuite d’elle à elle, puis à elle et même à elle, je me posai quelques temps auprès d’elle. Cependant l’appel d’elle fut plus fort qu’elle. Il restait toujours la lointaine elle, l’oubliant comme je pus avec elle avant de m’enfuir au loin avec elle puis sans elle. Enfin, il y a elle qui a repoussé elle et elle. Bref, elles sont toutes folles de moi.

mercredi 3 octobre 2012

Brève XLII *

Corollaire détestable, l’autre sexe avait également fait des réserves pour l’hiver. Sa couche de graisse était si profonde qu’un couteau, planté sans doute pour vérifier la cuisson ou la chaleur de la dame, ressortait sans une goute de sang. Mais il avait choisi le typique, jusqu’au bout il s’en tint à son principe. Lorsqu’elle se déshabilla, il eut un mouvement de recul : l’opulente poitrine espérée n’était pas là ! A la place il ne voyait qu’un torse imberbe, dépourvu de tout, même de téton. Ce n’était pas une femme, mais était-ce un homme ? Après quelques instants d’observation, il se rassura ; ses seins n’avaient pas disparu : ils avaient simplement glissé sous ses aisselles.